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EELV : La fin de l’illusion

En signant son alliance avec la France Insoumise, EELV a définitivement levé le voile sur sa véritable nature : un parti gauchiste qui tourne le dos aux valeurs de la République. Construire une autre écologie devient plus nécessaire que jamais.

La longue dérive des Verts – maintenant d’EELV- vers l’extrême gauche a connu des flux et des reflux. En 2001 déjà, leur candidat à l’élection présidentielle, un crypto-maoïste, Alain Lipietz, avait demandé l’amnistie des « prisonniers politiques » corses qui avaient assassiné le préfet Erignac. Plus récemment, le modéré Jadot a paru un moment donner une autre direction. Mais le soutien (éphémère) au financement d’une mosquée intégriste à Strasbourg, la défense (ambiguë) du port du burkini dans les piscines à Grenoble ou la justification (hypocrite) des réunions non mixtes de l’UNEF signaient les dérives anti-républicaines du parti. Quant aux 49 % de Sandrine Rousseau à la primaire écologique, ils ont montré que ces excès n’avaient rien d’accidentel.

L’accord est une escroquerie

L’accord signé avec la France Insoumise (LFI) va plus loin encore. Il indique qu’il n’existe quasiment plus aucune divergence idéologique avec le parti communautariste et anti-républicain de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, LFI annonce une « désobéissance » face à certaines règles européennes. Et le parti insoumis est tellement englué dans ses affinités poutiniennes que le paragraphe de l’accord portant sur la guerre en Europe est incapable de seulement mentionner le mot Ukraine ! [1] Cela embarrasse EELV, mais semble compter bien peu devant la perspective de quelques sièges au palais Bourbon. Tandis qu’au PS quelques voix discordantes, même minoritaires, se sont fait entendre face à l’accord avec LFI, rien de tel chez les écologistes. Il a fallu attendre trois anciens députés et figures du mouvement, Daniel Cohn-Bendit, José Bové et Jean-Paul Besset pour entendre une véritable (et virulente) critique de cette décision qu’ils qualifient d « escroquerie »…

Symétriquement, cet accord signe la mue écologiste des « Insoumis ». En quelques années, le parti d’extrême-gauche s’est emparé de tous les thèmes d’EELV pour les intégrer un à un dans son programme, à tel point que plusieurs classements réalisés par des associations écologistes dans le cadre de la campagne présidentielle ont placé LFI devant EELV en matière d’environnement ! Cette situation surprenante a été peu commentée. Or, elle contribue au succès de LFI aux élections présidentielles. Une partie de ses scores élevés vient de son clientélisme communautaire, mais les très bons résultats qu’il obtient auprès des jeunes viennent aussi de cet engagement écologiste fort. Mélenchon a siphonné Jadot – et il est très probable qu’il continue à le faire dans les années à venir.

EELV dévoile sa nature gauchiste

Tout cela pourrait n’être qu’une des nombreuses péripéties de l’extrême gauche, habituée aux guerres picrocholines et aux ralliements d’opportunité. Mais cela amène deux conclusions convergentes. La première est que l’illusion EELV se dissipe ; le parti a construit en quelques décennies une hégémonie politique sur l’écologie, mais cet accord avec LFI dévoile sa nature fondamentalement gauchiste qui ne pourra plus rassembler très largement. Cela invite à faire émerger une écologie différente : démocrate, républicaine, et même – osons le mot ! -de droite. 

Pour reprendre et détourner une célèbre phrase de Valéry Giscard d’Estaing : aucun candidat n’a le monopole du cœur ; aucun parti n’a, non plus, le monopole de l’écologie. Et tandis qu’un nombre croissant de citoyens du centre ou de droite se sentent concernés par ce sujet, il est temps que les partis qui les représentent, ou qui aspirent à les représenter, s’en emparent de manière résolue. 

C’est d’autant plus nécessaire que l’actuelle domination d’EELV est construite sur du vent, ou plutôt sur une radicalité de pacotille. Car la virulence des « écolos » est d’autant plus forte que leurs résultats sont modestes. Ils et elles défendent une écologie qui s’est réfugiée dans les discours, les imprécations ou les slogans – car ils ne savent pas transformer le réel. Et en tout cas, ils ne l’ont pas fait quand ils étaient en responsabilité. 

Quel est le bilan de EELV ?

Qu’ont-ils accompli ? Quel est le bilan de ces ministres écolo dont on a parfois oublié jusqu’au nom : Dominique Voynet, Yves Cochet, Cécile Duflot, Emmanuelle Cosse, Pascal Canfin ou Jean-Vincent Placé ? Quels sont les faits d’armes, les réalisations dont ils pourraient se targuer à l’heure où ils prétendent construire un gouvernement ? Jamais EELV n’en parle et la raison en est simple : il n’y en pas ! 

La seconde conclusion à l’analyse de cet accord porte sur la capacité de l’écologie à « renouveler la politique ». L’expression vient d’EELV. Si elle a longtemps masqué de petits arrangements, elle décrit aujourd’hui un phénomène majeur. En quelques années, la gauche, du parti socialiste jusqu’aux trostkistes, a largement absorbé les idées écologistes. LFI, qui a opéré la transition la plus radicale sur ce thème en a retiré les bénéfices les plus significatifs. Et pourtant, le marxisme qu’ils ont presque tous côtoyé représente un courant productiviste et donc plutôt hostile à l’écologie.

 A l’inverse, cette transition se fait attendre à droite. Le sujet a été quasi absent de la primaire ; il est resté presque invisible pendant la campagne et dans les programmes. Même si Valérie Pécresse a fait quelques propositions, elles sont restées inaudibles. La transformation reste à faire. 

La crise politique qui s’est ouverte avec la défaite à l’élection présidentielle impose à la droite de repenser son identité et son projet. Et l’écologie fait partie de ces idées neuves dont elle ne peut se passer si elle veut avoir un avenir. D’autant plus que la plupart des études et des sondages montrent qu’une grande partie de la jeunesse et des populations urbaines est sensible à cet enjeu. 

Ainsi, pour une fois, il faut peut-être emprunter à la gauche une leçon. La voici : l’écologie peut véritablement renouveler la politique. Et si cette transformation est faite de manière résolue, elle pourra apporter des voix précieuses lors des prochaines scrutins. 

Ce texte est adapté d’une tribune publiée dans Atlantico le 30 mars 2022.

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