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VOITURES ÉLECTRIQUES: RÉORIENTER NOS SUBVENTIONS POUR DÉFENDRE NOTRE CLIMAT ET NOTRE INDUSTRIE

La Région Île-de-France vient de changer son système d’aide à l’achat des voitures électriques. Elle est ainsi la première à conditionner ses aides au bilan carbone du pays de son assemblage final.Il était temps de mettre fin à une situation absurde : de nombreux véhicules – ou leurs batteries – sont en effet construits dans des conditions environnementales funestes, en particulier lorsqu’elles sont importées de pays qui utilisent le charbon pour produire leur énergie

L’utilisation de véhicules électriques est, en principe, une bonne solution pour diminuer notre dépendance aux énergies fossiles et nos émissions de gaz à effet de serre ; l’État et d’autres Régions l’encouragent comme nous. Mais il existe de fortes différences entre les modèles commercialisés selon la manière dont ils sont construits. Notre engagement pour le climat ne doit pas nous empêcher d’être exigeants et il faut donc vérifier que les solutions prometteuses donnent les résultats attendus. 

Les erreurs du passé

Ne soyons pas naïfs et ne reproduisons pas les erreurs du passé ! En effet, les subventions à l’achat de panneaux solaires ont presque détruit il y a 20 ans la filière solaire européenne, autrefois prometteuse. Nous avons aidé l’industrie chinoise à nous concurrencer. En d’autres mots, nous avons financé notre propre déclin. Et comme le notait déjà un rapport de la Cour des comptes en 2018, les dizaines de milliards dépensés n’ont apporté qu’une modification marginale de notre production d’énergie renouvelable. 

Face à la transformation majeure que connaît notre industrie automobile avec l’électrification, il nous a semblé souhaitable d’éviter deux écueils. Le premier concerne les modèles à bas prix qui arrivent sur les marchés européens mais qui sont souvent extrêmement coûteux en termes de carbone. Le second concerne des véhicules haut-de-gamme, généralement très lourds et très consommateurs. Si notre objectif est de favoriser la transition climatique, ils représentent tous les deux une alternative trompeuse. Comment encourager les projets qui seront, vraiment et concrètement, favorables au climat ?

Voitures électriques


Plusieurs pistes existent et la «taxe carbone» aux frontières (MACF) en est une, mais elle ne suffit pas. Chaque collectivité et chaque institution peut, dans une forme d’innovation politique, faire l’inventaire des mesures qu’elle mène et des manières de les améliorer, tout en respectant les droits français et international. Nous avons décidé de ne plus subventionner l’achat des voitures électriques qui dépasseraient un maximum en termes d’émissions carbonées et de limiter nos subventions aux véhicules en dessous d’un certain prix. Pour ce faire, nous avons adopté un critère simple, évalué mondialement par diverses institutions : l’intensité carbone de l’énergie dans le pays producteur. C’est-à-dire les émissions de CO2 associées à l’utilisation d’une certaine quantité d’énergie. Pour donner un ordre de grandeur,
Voitures électriquesl’électricité produite à partir de charbon émet 100 fois plus de CO2 qu’une même quantité d’électricité produite à partir d’éolien, d’hydraulique ou de nucléaire (autour de 1000 gCO2/kWh pour du charbon, contre environ 10 pour les autres).

Respecter nos engagements climatiques


Le bilan carbone de la fabrication des véhicules électriques est très dépendant des processus industriels pour extraire les matériaux, les raffiner, assembler les pièces, etc. Mais tout se ramène, en dernière analyse, à un facteur essentiel : la densité carbone de l’énergie utilisée. Nous avons défini un seuil et nous excluons désormais des aides régionales les voitures construites dans les pays qui le dépassent. Ce seuil est exigeant mais il faut être cohérent avec nos engagements climatiques : il doit nous permettre de respecter la trajectoire de l’Europe dite du «paquet Fit for 55», soit une diminution de nos émissions de 55% par rapport à 1990, et cela dès 2030. L’État a proposé un autre mode de calcul pour évaluer le score environnemental des véhicules électriques, il est redoutablement complexe. Notre critère est plus simple mais il nous semble qu’il est préférable car il est plus facilement compréhensible par nos citoyens. Or, une telle décision doit être comprise et approuvée.

Augmenter l’aide aux particuliers


Tout cela se fait au profit des usagers : en resserrant le nombre de véhicules éligibles, nous libérons des ressources pour augmenter les aides pour les véhicules vertueux : elles augmentent de 50 % pour les particuliers ! Enfin, il faut remarquer que notre dispositif est ouvert aux véhicules d’occasion, et qu’il est proportionnellement plus intéressant pour ceux-ci, ce qui est donc encore plus écologique. Nous contribuons ainsi à accélérer la décarbonation réelle du parc automobile. Mais nous espérons également montrer que l’écologie peut être un outil pour transformer notre industrie, pour la préparer aux défis technologiques actuels, pour créer de la valeur et des emplois… Nous montrons que les collectivités peuvent s’emparer de ce sujet essentiel. Certaines le font déjà ; nous espérons que notre exemple pourra en inspirer d’autres. 

Ce texte, co-signé par Valérie Pécresse et moi-même a été publié initialement dans le Figaro, le 17 novembre 2023.

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